Les données montrent un écart important entre les célibataires et les couples en matière de revenus et de pauvreté. Par exemple, en 2019, le revenu disponible médian d’une personne seule au Québec était d’environ 46 000 $, soit à peine la moitié de celui d’une famille de deux adultes avec deux enfants (92 000 $). Ce fossé se reflète dans les taux de pauvreté : le taux de faible revenu (mesure de pauvreté relative) atteignait 31 % chez les Québécois vivant seuls, comparativement à environ 11 % pour l’ensemble de la population. Autrement dit, les personnes seules sont surreprésentées parmi les ménages à faible revenu. En fait, plus de la moitié des Québécois considérés comme pauvres sont des personnes vivant seules (56 % en 2019), signe que la pauvreté au Québec touche disproportionnellement les célibataires.
Plusieurs facteurs expliquent ces inégalités économiques. D’une part, vivre seul signifie compter sur un seul revenu, sans possibilité de partager les dépenses courantes. D’autre part, certains crédits d’impôt ou avantages sociaux (liés aux enfants, par exemple) profitent surtout aux familles biparentales, ce qui laisse les célibataires avec moins de soutien financier. Le résultat est une précarité financière plus marquée pour de nombreuses personnes seules.
Le coût de la vie élevé conjugué à un seul revenu fait qu’il reste peu de marge pour épargner lorsque l’on est célibataire. Vivre en solo entraîne des coûts fixes incompressibles (loyer ou hypothèque, épicerie, factures, électroménagers, etc.) qui ne peuvent être partagés avec un conjoint. Une plus grande part du revenu doit donc être consacrée à ces dépenses de base, réduisant d’autant la capacité d’épargne. Ainsi, bon nombre de célibataires peinent à épargner pour leurs projets à long terme, comme la retraite.
Selon un sondage récent, 39 % des célibataires québécois estiment qu’il leur est pratiquement impossible d’épargner pour la retraite. Environ un sur trois met même moins de 25 $ de côté par mois pour épargner ou investir, ce qui est une somme dérisoire. Sans surprise, près du tiers des personnes seules (29 %) n’ont accumulé que moins de 5 000 $ d’économies en vue de la retraite, comparativement à 19 % des couples. Cette situation entraîne un pessimisme financier : beaucoup de célibataires voient la retraite comme un objectif lointain, voire hors d’atteinte. En 2024, alors que la confiance des Québécois en général envers leurs finances s’améliorait (37 % se disaient confiants, en hausse par rapport à 33 % en 2023), les personnes seules, elles, « font bande à part » et voient leur horizon s’assombrir. En d’autres termes, le moral financier des célibataires est moins optimiste, reflet de leurs contraintes économiques.
Devenir propriétaire représente un défi de taille pour les personnes seules. À l’échelle de la société, on observe déjà un recul du taux de propriétaires occupants. Au Québec, ce taux est passé de 61,3 % en 2016 à 59,9 % en 2021, une première baisse après des décennies de croissance. Cette diminution s’explique en partie par la flambée des prix immobiliers et la difficulté d’accumuler une mise de fonds suffisante – des obstacles qui pèsent encore plus lourdement sur les célibataires.
Concrètement, acquérir une maison ou un condo est souvent hors de portée lorsqu’on doit assumer seul le fardeau financier. Selon une analyse basée sur les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), un acheteur célibataire au revenu moyen devrait travailler près de 240 heures par mois pour respecter la règle de consacrer 30 % de son revenu brut au paiement d’une maison d’environ 300 000 $. C’est tout simplement plus d’heures qu’un seul individu ne peut en travailler en un mois (un mois de travail compte environ 160 heures), ce qui illustre à quel point un deuxième revenu (un conjoint) facilite l’accession à la propriété. Autrement dit, à salaire égal, un célibataire aura beaucoup plus de difficulté qu’un couple à réunir le budget nécessaire pour devenir propriétaire.
La situation est encore plus prononcée dans les grands centres urbains. Dans la région du Grand Montréal, il fallait gagner environ 251 000 $ brut par année en 2023 pour pouvoir acheter une propriété moyenne de 100 m², alors que le revenu requis tombait à 91 448 $ pour l’ensemble du Québec. Face à de tels montants, il est évident que très peu de célibataires peuvent envisager d’acheter une maison sans aide. Beaucoup restent donc locataires plus longtemps, voire indéfiniment, ce qui peut les priver de l’enrichissement à long terme associé à l’immobilier.
Malgré ces défis, il existe des stratégies pour améliorer sa situation financière en solo. Voici quelques conseils de planification financière adaptés aux personnes célibataires :
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Diversifier ses véhicules d’épargne : Ne négligez pas le REER au profit du seul CELI. Plus de la moitié des célibataires québécois (57 %) privilégient le CELI, alors qu’ils sont peu nombreux (29 %) à cotiser à un REER. Or, le REER procure des économies d’impôt appréciables, qu’il serait dommage de laisser sur la table. En combinant CELI et REER, vous maximisez vos avantages fiscaux et votre épargne.
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Profiter des incitatifs à l’achat d’une propriété : Si devenir propriétaire figure parmi vos objectifs, sachez tirer parti des programmes en place. Par exemple, le Régime d’accession à la propriété (RAP) vous permet d’utiliser votre REER pour la mise de fonds d’une première maison, sans impôt immédiat. De même, le nouveau CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété) offre une autre avenue pour accumuler une mise de fonds à l’abri de l’impôt. Utiliser ces outils peut rapprocher les célibataires de leur rêve immobilier.
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Réinvestir les remboursements d’impôt : Si vous obtenez un remboursement d’impôt grâce à vos cotisations REER, au lieu de le dépenser, réinvestissez-le judicieusement dans vos placements ou votre CELI. Cela augmentera votre épargne à long terme de façon significative.
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Partager certaines dépenses : Vivre en couple n’est pas le seul moyen de diviser les factures. Envisagez la colocation ou la cohabitation sous d’autres formes (avec un ami, un membre de la famille, ou au sein d’une famille multigénérationnelle). Ce mode de vie en communauté permet de répartir les coûts de logement, d’épicerie et de services publics, allégeant d’autant votre budget.
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Consulter un professionnel : N’hésitez pas à faire appel à un planificateur financier pour obtenir des conseils personnalisés. Un expert pourra vous aider à établir une stratégie adaptée à votre situation, à fixer des priorités (remboursement de dettes, épargne d’urgence, retraite, etc.) et à rester discipliné. S’appuyer sur des conseils professionnels peut vous faire atteindre plus rapidement vos objectifs financiers.
En définitive, être célibataire au Québec ou au Canada s’accompagne de défis financiers bien réels – revenus plus bas, inégalités économiques marquées, difficulté à épargner et à accéder à la propriété. Cependant, ces obstacles ne sont pas insurmontables. En adoptant de bonnes pratiques de gestion et de planification, il est possible d’améliorer sa sécurité financière et son optimisme face à l’avenir, même en solo. Prenez en main vos finances dès aujourd’hui : établissez un budget réaliste, utilisez tous les outils d’épargne à votre disposition et faites-vous accompagner au besoin. Ce n’est qu’en agissant maintenant que vous pourrez réduire l’écart et assurer votre stabilité financière sur le long terme.