Décote de la cote de crédit du Québec
May 1
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Jean-Sébastien Jutras Pl Fin.
En avril 2025, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a abaissé la cote de crédit de la province de Québec, un geste qui a suscité de nombreuses réactions dans les milieux économiques et politiques. Cette décision découle d’un diagnostic préoccupant : un affaiblissement notable des finances publiques du Québec, accentué par des choix budgétaires audacieux et un contexte économique en mutation.
Mais que signifie réellement une décote de crédit pour un gouvernement? Pourquoi cette décision a-t-elle été prise? Et quelles sont les conséquences potentielles pour l’État québécois et ses citoyens? Voici un éclairage complet, à l’intention des particuliers soucieux de comprendre les implications économiques de cette nouvelle.
Une cote de crédit, c’est quoi exactement?
La cote de crédit d’un État est une évaluation indépendante faite par une agence spécialisée, comme Standard & Poor’s, Moody’s ou DBRS. Elle mesure la capacité d’un gouvernement à rembourser sa dette dans les délais prévus. Plus la cote est élevée, plus l’État est perçu comme un emprunteur fiable. Inversement, une baisse de cette note signifie une augmentation du risque perçu.
C’est un peu comme le « pointage de crédit » d’un particulier : une bonne cote permet d’emprunter à un taux avantageux, tandis qu’une mauvaise cote entraîne souvent une hausse du coût de financement.
Les raisons de la décote du Québec
Dans son communiqué, S&P a justifié la baisse de la note du Québec par les déficits d’exploitation persistants et la détérioration de la situation budgétaire. Le signal d’alarme a été déclenché notamment par le déficit record de 13,6 milliards de dollars présenté dans le budget de mars 2025. Il s’agit du quatrième déficit consécutif, ce qui mine la crédibilité financière de la province.
Les causes de ce déséquilibre budgétaire sont multiples :
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Croissance démographique ralentie : le vieillissement de la population réduit le nombre de nouveaux contribuables et augmente la pression sur les services publics.
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Hausse marquée des dépenses publiques : particulièrement dans le secteur de la santé, de l’éducation et de la fonction publique.
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Accords salariaux généreux : en 2024, le gouvernement a signé une entente prévoyant une augmentation de 17,4 % des salaires des employés de l’État sur cinq ans.
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Refus d’augmenter les impôts : pour des raisons politiques, le gouvernement a choisi de ne pas hausser le fardeau fiscal, préférant maintenir le pouvoir d’achat des citoyens.
Ce cocktail explosif a contribué à creuser le déficit de manière structurelle, rendant l’équilibre budgétaire plus difficile à atteindre dans un avenir proche.
La position du gouvernement Legault
Le premier ministre François Legault a assumé publiquement ses choix, affirmant qu’il ne regrette pas les décisions prises, notamment en ce qui concerne les hausses salariales et le refus d’augmenter les impôts. Selon lui, ces mesures étaient nécessaires pour préserver la paix sociale et maintenir les services publics à flot dans un contexte de forte inflation.
Cependant, il reconnaît que l’État devra maintenant « faire du ménage » et mieux contrôler ses dépenses. Le gouvernement envisage donc des compressions ciblées et une meilleure efficacité administrative, d’autant que la taille de la fonction publique a augmenté d’environ 17 % depuis 2018.
Quelles sont les conséquences concrètes d’une décote?
La principale conséquence d’une décote, c’est une hausse potentielle du coût d’emprunt. En effet, un État dont la cote est abaissée est perçu comme plus risqué par les investisseurs, qui exigeront donc des taux d’intérêt plus élevés pour prêter leur argent.
Voici les répercussions directes :
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Hausse des frais d’intérêt sur les nouvelles émissions d’obligations.
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Moins de ressources disponibles pour les services publics, car une plus grande part du budget doit être consacrée au service de la dette.
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Réduction de la marge de manœuvre budgétaire pour réagir à d’éventuelles crises économiques ou investir dans de nouveaux projets.
En 2025, le service de la dette du Québec est déjà estimé à 9,7 milliards de dollars, soit environ 20 % des revenus d’impôt sur le revenu des particuliers. Si les taux augmentent davantage, cette portion pourrait s’accroître et réduire encore la capacité de l’État à financer ses priorités.
Le ministre des Finances, Eric Girard, a toutefois minimisé l’impact immédiat de la décote. Il estime qu’elle entraînera environ 10 millions $ de plus en frais d’intérêt, ce qui demeure marginal dans un budget global. Cela dit, si la tendance se poursuit, les coûts pourraient rapidement s’amplifier.
Un signal d’alarme à ne pas négliger
Pour les planificateurs financiers et leurs clients, cette situation représente un signal d’alarme sur la santé budgétaire du Québec. Si le gouvernement ne parvient pas à redresser la situation dans les prochaines années, d’autres agences pourraient également revoir leur évaluation à la baisse.
Cela aurait un effet domino sur la confiance des investisseurs, la stabilité économique provinciale et, ultimement, sur les portefeuilles des épargnants québécois, notamment ceux détenant des obligations provinciales.
Un rappel de rigueur
La décote de la cote de crédit du Québec est un rappel brutal de l’importance d’une gestion rigoureuse des finances publiques. Pour rassurer les marchés et éviter une spirale de financement coûteux, le gouvernement devra prendre des mesures concrètes pour réduire son déficit et stabiliser sa dette.
Les citoyens, eux, ont tout intérêt à rester informés, car ces décisions ont des impacts directs sur la fiscalité, les services publics, et même le rendement de certains produits financiers.
Un environnement économique sain est dans l’intérêt de tous – planificateurs, contribuables et investisseurs confondus.
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