Travailler jusqu’à 67 ans : une idée à repousser… ou à considérer?

Jun 18 / Jean-Sébastien Jutras Pl Fin.
C’est une question qui revient souvent, mais qui soulève beaucoup d’émotions : devrions-nous repousser l’âge officiel de la retraite à 67 ans au Québec? Pour certains, l’idée est synonyme de recul social, presque d’injustice. Pour d’autres, elle est un ajustement logique à une réalité incontournable : on vit de plus en plus longtemps.

En tant que planificateur financier, je suis régulièrement témoin de cette tension entre le rêve d’une retraite bien méritée dès 60 ans… et la dure réalité financière qui accompagne parfois cette décision. Prenons un moment pour décortiquer ce sujet avec calme et clarté.

On vit plus vieux, et en meilleure forme

Commençons par un fait simple : au fil des décennies, notre espérance de vie a considérablement augmenté. Il y a une soixantaine d’années, beaucoup de gens ne vivaient pas au-delà de 65 ans. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des retraités vivre jusqu’à 85, 90, voire 95 ans.

Ce gain en années est une bonne nouvelle. Mais il soulève une question fondamentale : comment allons-nous financer toutes ces années supplémentaires sans revenu de travail? Si on prend notre retraite à 60 ans et qu’on vit jusqu’à 90, cela signifie que notre épargne et nos revenus de retraite doivent couvrir 30 ans de dépenses. C’est énorme.

Deux Canadiens sur trois ne se sentent pas prêts

Une statistique qui m’a particulièrement frappé dans un récent rapport : près de 70 % des Canadiens ne se sentent pas financièrement prêts pour la retraite. Cela veut dire qu’ils comptent fortement sur les régimes publics – comme la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) – pour arriver à joindre les deux bouts.

Or, ces régimes n’ont jamais été conçus pour couvrir la totalité des besoins financiers d’un retraité. Ils offrent une base, un filet de sécurité. Mais pour vivre confortablement, il faut généralement des sources de revenus complémentaires : un REER bien garni, un CELI, des revenus de location, des placements, etc.

Dans ce contexte, retarder sa retraite de quelques années – ou du moins repousser le moment où l’on commence à toucher ses prestations – peut faire toute la différence.

Le bon vieux 65 ans : un repère, pas une obligation

Depuis des générations, 65 ans est perçu comme l’âge normal de la retraite. Pourtant, rien dans la loi ne vous oblige à partir à cet âge. En fait, vous pouvez commencer à recevoir votre RRQ dès 60 ans… ou attendre jusqu’à 70. Et chaque année d’attente augmente vos prestations de façon significative.

Par exemple, quelqu’un qui demande sa rente du RRQ à 60 ans recevra un montant mensuel considérablement plus bas que s’il attendait jusqu’à 65 ou 67 ans. Sur une retraite de 25 à 30 ans, cette différence peut représenter des dizaines de milliers de dollars. Et c’est souvent là que le bât blesse : beaucoup de gens réclament leurs prestations dès qu’ils y ont droit, sans toujours mesurer les conséquences à long terme.

67 ans : une contrainte ou une opportunité?

Alors, est-ce une mauvaise chose de repousser l’âge officiel de la retraite à 67 ans?

Tout dépend de la manière dont on l’aborde. Si on impose cette mesure sans nuances ni flexibilité, il est normal qu’elle soit mal accueillie. Certains métiers sont physiquement ou émotionnellement exigeants. Il n’est pas réaliste de demander à tout le monde de travailler deux années de plus sans exception.

Mais dans un cadre souple, avec des mécanismes de retraite anticipée pour ceux qui en ont besoin, l’idée peut devenir non seulement acceptable, mais avantageuse. Elle peut permettre à ceux qui le peuvent – et qui le souhaitent – de continuer à travailler pour bonifier leur sécurité financière future.

Et il faut le dire aussi : de nombreux retraités d’aujourd’hui sont encore en forme, actifs, engagés dans des projets, et désireux de rester dans le marché du travail. Travailler plus longtemps n’est pas toujours une corvée : cela peut aussi être un choix de vie épanouissant

Une décision profondément personnelle

À mon avis, la vraie question n’est pas « devrions-nous repousser l’âge de la retraite à 67 ans ? », mais plutôt : comment voulons-nous préparer les citoyens à avoir le choix?

Ce choix ne devrait pas être dicté par la peur de manquer d’argent. Il devrait être basé sur des préférences personnelles, une santé adéquate, une planification financière solide. Le rôle des gouvernements, des employeurs et des conseillers comme moi, c’est d’aider chaque personne à bâtir une retraite à son image – qu’elle commence à 60, 65 ou 67 ans.

Conclusion

Le débat autour du report de l’âge de la retraite ne fait que commencer. Ce n’est pas une attaque contre les droits acquis, ni une punition. C’est une réaction à une réalité nouvelle : nous vivons plus longtemps, et nos finances doivent suivre le rythme.

Il ne s’agit pas de forcer tout le monde à travailler plus longtemps. Il s’agit de s’assurer que ceux qui choisissent de le faire – ou qui en ont besoin – puissent y trouver un avantage, et que personne ne soit pris de court en atteignant 75 ans sans ressources suffisantes.

Et surtout, il s’agit de reprendre le contrôle de notre avenir financier, un choix à la fois.