Parler de décès, c’est parler de protection, de dignité… et d’amour
Il est naturel de vouloir éviter les discussions sur la mort. Pour beaucoup, c’est un sujet lourd, anxiogène, voire tabou. La phrase « Je ne veux pas parler de décès, c’est trop déprimant » revient souvent dans les échanges entre planificateurs financiers et leurs clients. Pourtant, éviter ce sujet ne le rend pas moins réel — seulement plus difficile à gérer quand il survient.
Parler de décès dans un contexte de planification financière, ce n’est pas se résigner à mourir : c’est préparer les vivants, protéger ses proches, préserver sa volonté, et surtout, leur éviter le chaos financier et émotionnel que crée l’absence de plan.
1. L’évitement du sujet : un mécanisme psychologique naturel… mais risqué
En psychologie, on appelle cela l’évitement adaptatif : lorsqu’un sujet nous cause du malaise, on préfère l’ignorer. Parler de décès peut raviver des peurs profondes — de l’inconnu, de la perte de contrôle, du chagrin. C’est humain.
Mais dans le domaine financier, l’absence de décision EST une décision. Lorsqu’on ne planifie pas ce qui arrivera à son décès, ce sont les lois, les tribunaux et les institutions qui décident à votre place.
Comme le résume la planificatrice financière Hélène Belleau : « Ne pas parler de la mort, c’est donner à d’autres le droit de décider à notre place, dans un moment de vulnérabilité. » (Institut national de la recherche scientifique, 2020)
2. Parler de décès, c’est protéger ceux qu’on aime
La planification en cas de décès n’est pas un acte égoïste. C’est un cadeau à ceux qui restent. Elle permet :
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d’éviter des conflits entre enfants ou héritiers ;
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de ne pas laisser un conjoint dans l’incertitude financière ;
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de couvrir les frais immédiats (obsèques, dettes, impôt final) ;
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de protéger un enfant mineur ou handicapé ;
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de garantir que les volontés soient respectées (testament, mandats).
En 2022, plus de 50 % des Canadiens n’avaient toujours pas de testament valide, selon un sondage de LegalWills. Pourtant, un décès sans testament peut entraîner des délais, des frais juridiques élevés, et des décisions mal alignées avec les intentions du défunt.
Parler de décès ne doit pas être morbide. En planification, on ne parle pas de mort, on parle de :
Le ton de ces conversations peut être apaisant, structurant, positif. Il s’agit de s’assurer que le fruit de toute une vie est bien utilisé, que les enfants soient pris en charge, que les dettes ne deviennent pas un fardeau.
Un bon conseiller ne vous parle pas de cimetière ou d’urnes : il vous parle de clarté, de dignité, de tranquillité d’esprit.
Souscrire une assurance vie, rédiger un testament, désigner un liquidateur ou mettre à jour ses bénéficiaires ne sont pas des gestes morbides. Ce sont des outils de prévoyance.
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L’assurance vie permet de remplacer un revenu, rembourser une hypothèque, soutenir les enfants ou financer les études.
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Le testament permet de régler les choses sans conflit, d’éviter des délais, d’optimiser l’impôt à la succession.
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Le mandat de protection permet de protéger son autonomie si l’on devient inapte.
Ces démarches ne vous enlèvent pas des années de vie : elles vous en rendent, en paix intérieure.
La planification successorale n’est pas une prédiction. C’est un acte de souveraineté. C’est dire : « Je décide ce qui arrivera à ma famille, à mes biens, à mes responsabilités. Je ne leur laisserai pas un fardeau. »
Les familles qui ont tout prévu vivent leur deuil plus sereinement. Celles qui n’ont rien planifié doivent prendre des décisions douloureuses dans la confusion. Parler de décès aujourd’hui, c’est offrir du soulagement demain.
Oui, parler de décès peut sembler déprimant. Mais c’est en réalité l’une des conversations les plus humaines, les plus généreuses, et les plus libératrices que vous pouvez avoir. Ce n’est pas une conversation sur la mort.
C’est une conversation sur la vie des autres, après vous.
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Institut national de la recherche scientifique (INRS), Études sur la planification successorale, 2020
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LegalWills.ca, Sondage sur la rédaction de testaments au Canada, 2022
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Retraite Québec, Mandat en cas d’inaptitude et testament, 2023